Blanche, je t’aime

Blanche FGardin

Je me suis réinscrit à la bibliothèque de mon quartier. J’y reviendrai, c’est juste pour dire que le premier ouvrage que j’ai emprunté cette semaine c’est « Il faut que je vous parle », de Blanche Gardin. Ce n’est pas un roman mais une sorte de passage à l’écrit de son travail de stand-up. Et son humour passe très bien de la scène au papier. Pour qu’un sketch soit bon, il paraît qu’il faut déclencher au moins un rire toutes les quinze secondes.

J’ai ri plusieurs fois à chaque page. Bon, ce livre n’est pas tout récent (2016) – même si je l’ai trouvé parmi les nouveautés de ma bibliothèque – cependant, alors que je le refermais, Blanche Gardin se distinguait dans l’actualité en refusant d’être nommée à l’ordre des Arts et des Lettres, et elle se justifiait via une lettre sans ambage adressée au Président. Décidemment, Blanche, j’aime autant ta transparence que ton côté noir.

Sa lettre

Monsieur le Président,
Je suis flattée. Merci. Mais je ne pourrai accepter une récompense que sous un gouvernement qui tient ses promesses et qui met tout en œuvre pour sortir les personnes sans domicile de la rue.
En Juillet 2017, vous avez déclaré « La première bataille c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des hommes et des femmes dans la rue, dans les bois ou perdus ». Et, vous avez annoncé le lancement d’une politique du « logement d’abord », qui a laissé planer l’espoir d’une plus grande attention portée aux personnes mal-logées.
Mais simultanément vous avez baissé durement les APL qui aident les plus pauvres à se loger, vous avez réduit les budgets des centres d’hébergement d’insertion pour les sans domicile, vous avez coupé une part importante des moyens dédiés à la construction de logements sociaux, coupé drastiquement dans les emplois aidés, supprimé l’ISF, ce qui a eu, entre autres conséquences, de faire chuter les dons aux associations qui luttent en faveur des plus démunis. Vous n’avez pris aucune mesure ambitieuse qui permettrait d’encadrer les loyers dans toutes les villes ou le coût du logement étouffe le budget des plus fragiles… À une période où notre pays bat des records d’expulsions parce que les familles n’arrivent plus à payer leurs loyers. Et la liste serait encore longue…
Où comptiez vous les mettre, ces gens que vous ne vouliez plus voir dans la rue Monsieur le président, alors que vous preniez toutes ces mesures qui allaient provoquer l’effet inverse ? Il y en a de plus en plus tous les jours, des femmes, des hommes, et des enfants qui vivent, dorment et meurent dans les rues de France. Mais peut-être votre absence de vision vous a aussi ôté la vue.
Les solutions existent. Vous le savez.
Il ne vous a peut-être pas échappé que j’ai donné une représentation de mon spectacle « Bonne nuit Blanche » au Zenith de Paris le 31 mars dernier. Les bénéfices de cette soirée ont été reversés à la fondation Abbé Pierre et à l’association Les enfants du Canal.
Vous comprendrez qu’il y aurait quelque chose d’illogique d’accepter votre proposition.
Merci quand même.