Le Prix Goncourt 1919 est décerné à… Marcel Proust, pour « À l’ombre des jeunes filles en fleurs ». Le Goncourt, censé encourager un « jeune talent », attribué à un quasi cinquantenaire précieux et souffreteux qui n’a pas fait la guerre ? Quel affront pour toute une génération de sacrifiés pour la patrie, alors qu’il était si simple de se tourner vers « Les croix de bois », de Roland Dorgelès.
Quelle surprise pour ce dernier à qui l’on avait promis le prix, et qui traînera son amertume jusque dans les années 60 !
Quel scandale pour les journalistes et observateurs de la sphère littéraire de l’époque !
Revenant sur cet événement dans ses mémoires, Rosny aîné, auteur de « La Guerre du Feu » et membre du jury d’alors, parle de « violentes polémiques et d’articles péjoratifs… ». C’est peu dire. Si certains reconnaissent le caractère inédit de Proust, la majorité se demande quel plaisir l’on peut trouver dans ses descriptions et nostalgies, comment il est possible de lire ses phrases interminables jusqu’au bout.
Thierry Laget raconte cette « émeute » avec une précision documentaire, il lève le voile sur les coulisses de l’Académie Goncourt et sur les connivences et arrangements entre auteurs et hommes de presse… Thierry Laget nous parle, comme à son habitude avec délicatesse, du business et des rebondissements du petit monde de la littérature. On se laisse prendre par cette drôle d’histoire, même quand on n’a pas lu Proust.